Louise Little Langdon,la mère de Malcolm X, ne peut être réduite à un rôle secondaire dans l’histoire. Elle est une figure majeure, une femme pionnière dont la vie incarne la résistance, l’autonomie et l’engagement inébranlable pour la dignité des Noirs.
En tant que militante Garveyiste et mère, Louise a non seulement forgé les bases intellectuelles et spirituelles de ses enfants, mais elle a également incarné une lutte contre les oppressions de son peuple.
Louise est née Louise Helen Norton Langdon en 1894 ou 1897 à La Digue, paroisse de Saint Andrew, sur l’île de Grenade. Elle a grandi dans une famille attachée à ses origines africaines. La famille résiste au racisme ainsi que la ségrégation raciale par l’éducation et l’indépendance mentale et financière
Ses grands-parents, Jupiter et Mary Jane Langdon, étaient des « Africains libérés » capturés en Afrique de l’Ouest ( apparemment de l’actuel Nigeria) et déporté sur l’île de Grenade vers la fin du 19e siècle mais libérés grâce à une loi britannique contre la traite des esclaves. Ils étaient agriculteurs, artisans, et transmettaient une fierté pour les révoltes anti-coloniales, notamment celles menées contre les colons européens. Un message crucial pour le peuple noir.
Ses grands-parents, Jupiter et Mary Jane Langdon, non seulement valorisaient leurs racines africaines, mais transmettaient également à leurs enfants et petits-enfants les récits héroïques des luttes contre l’oppression raciale sur leur île.
Parmi les événements marquants enseignés, ils évoquaient les tragédies et les actes de courage qui ont façonné l’identité grenadienne. En 1650, des soldats français s’emparèrent de l’île dans un bain de sang. La nuit du 30 mai, quarante habitants, refusant de se rendre, choisirent de sauter du haut de Leapers Hill, préférant la mort à l’esclavage. Cette résistance tragique symbolisait la lutte pour la dignité et la liberté, des valeurs fondamentales que les Langdon inculquaient à leurs descendants.
Les Langdon mettaient également en lumière la révolte de 1795 menée par Julien Fédon, un propriétaire terrien d’origine africaine et française, qui faisait face aux tensions raciales de l’époque
Ce soulèvement, inspiré par la Révolution française et la rébellion haïtienne, était un exemple puissant de résistance armée contre la domination britannique. Fédon et ses partisans luttèrent pour l’émancipation des Noirs et le contrôle de Grenade, inspirant des générations futures par leur bravoure.
Pour Jupiter et Mary Jane, ces récits, enracinés dans l’histoire des Noirs, n’étaient pas que des leçons d’histoire, mais des fondements essentiels pour construire une identité solide. Louise, enfant, a grandi en apprenant que la liberté et la dignité nécessitaient une vigilance constante et un esprit de résistance face à l’oppression.
Jupiter et Mary Jane Langdon, grands-parents de Louise, ont eu plusieurs enfants, dont Ella, la mère de Louise. D’après le livre The Life of Louise Norton Little: An Extraordinary Woman, Ella était une jeune femme vivant dans une société marquée par des discriminations et des inégalités de pouvoir entre les genres et les races. Dans sa mi-vingtaine, elle serait tombée enceinte de Louise lors d’une relation un Écossais blanc nommé Edward Norton. La particularité frappante de cet homme était sa chevelure rousse( une particularité que l’on retrouvera plus tard chez Malcolm X, le fils de Louise, connu pour ses cheveux roux qui lui valurent le surnom de « Red »)
Cependant, la nature exacte de cette relation reste entourée de mystère : certains témoignages suggèrent une liaison, tandis que d’autres évoquent un viol. Mary Jane, la grand-mère de Louise, aurait averti sa fille Ella de se méfier de Norton, un homme qui avait la réputation de séduire et d’abandonner les femmes noires de l’île ( Une pratique courante des enfants de colons qui exploitaient les minorités noires à l’époque).
En 1895, Ella donna naissance à une petite fille nommée Louise Helen Norton Langdon à La Digue, sur l’île de Grenade. Peu de temps après l’accouchement, Ella succomba à des complications, laissant Louise orpheline dès ses premiers jours. Selon les archives paroissiales de l’église Holy Innocents, son baptême a eu lieu le 12 février 1896, et seul le nom de sa mère est inscrit dans le registre, confirmant ainsi l’absence officielle du père.
Louise fut alors élevée par ses grands-parents, Jupiter et Mary Jane Langdon, ainsi que par sa tante Gertrude. Cette structure familiale matriarcale et rigoureuse a façonné son caractère indépendant. Son éducation combinait l’enseignement colonial britannique à l’école et les récits transmis par sa famille à la maison sur l’histoire africaine et les révoltes anti-coloniales, comme celle menée par Julien Fédon en 1795. Ces récits étaient essentiels pour transmettre un héritage de fierté et de résilience face aux oppressions.
Louise a grandi dans une maison imprégnée de traditions africaines et caribéennes, où l’autonomie économique et la conscience historique étaient des valeurs fondamentales. Sa grand-mère Mary Jane était reconnue pour son rôle de guérisseuse et son respect des traditions ancestrales.
Ce cadre a permis à Louise de maîtriser plusieurs langues, dont l’anglais, le français et le créole, et d’affiner ses talents pour l’écriture, une compétence qu’elle mettra à profit plus tard pour défendre sa communauté.
À l’âge de 21 ans, Louise a quitté Grenade pour rejoindre son oncle à Montréal. Là-bas, elle a découvert le mouvement garveyiste, un courant prônant le nationalisme noir, l’unité africaine et l’émancipation des Noirs. Profondément touchée par ces idéaux, elle s’est engagée activement dans l’Universal Negro Improvement Association (UNIA), le mouvement fondé par Marcus Garvey.
Un mouvement essentiel pour la communauté afro.
C’est lors d’un événement de l’UNIA qu’elle a rencontré Earl Little, un prédicateur baptiste originaire de Géorgie, lui-même militant garveyiste. Ils partageaient une vision commune : bâtir une communauté noire autonome et fière. Séduit par la détermination et l’intelligence de Louise, Earl a commencé à la courtiser. Leur mariage a eu lieu le 10 mai 1919.
Après leur mariage, Louise et Earl se sont installés à Philadelphie, leur premier lieu de mission pour l’UNIA. Là-bas, ils ont commencé à construire une vie familiale tout en travaillant activement à la diffusion des idéaux garveyistes. Louise s’est imposée comme une militante de premier plan, travaillant comme secrétaire pour l’UNIA et correspondante pour le journal The Negro World, où elle écrivait des articles pour mobiliser et inspirer les communautés noires locales.
Au fil des années, la famille Little s’agrandit, et les déménagements se succèdent : d’Omaha à Milwaukee, pour finalement s’installer à Lansing, dans le Michigan, avec leurs septs enfants.
Louise Little, mère de Malcolm X, a laissé un héritage indélébile, non seulement dans sa famille mais aussi dans l’histoire des luttes pour les droits des Noirs. Dans une lettre écrite à son frère Philbert en 1949, Malcolm X reconnaissait l’importance cruciale de leur mère :
« Nos accomplissements sont les siens… elle était une fidèle servante de la vérité. Je loue Allah pour elle. »
Grâce à la mobilisation de sa famille, Louise fut libérée de l’hôpital psychiatrique en 1963, après 25 ans d’internement injuste. Elle passa ses dernières années paisiblement, entourée de ses proches, dans le Michigan. Elle décéda en 1989, laissant derrière elle une histoire de résilience et de combat contre les oppressions sociales.
Reconnaître Louise Little, c’est honorer toutes ces femmes noires de l’ombre, dont la lutte a transformé la condition des Noirs dans le monde.
Comme le souligne Erik S. McDuffie, son histoire est celle d’une femme radicale, activement engagée dans des mouvements transnationaux pour l’émancipation des Noirs et profondément ancrée dans les valeurs de justice sociale et de résilience. Elle a défié les structures oppressives de son époque, non seulement par ses paroles, mais par ses actes en élevant ses enfants avec une vision de liberté et de fierté raciale, malgré les obstacles..
Aux côtés de son mari Earl Little, elle a porté les idéaux du garveyisme et s’est battue pour une autonomie et une dignité noires, transmettant ces valeurs à ses enfants contribuant au mouvement noir pour la libération. <Pour en savoir plus sur son engagement aux côtés d’Earl et leur lien avec Marcus Garvey, découvrez notre article : Marcus Garvey et les parents de Malcolm X.
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